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La Philharmonie de Luxembourg par Christian de Portzamparc
"J’aime
concevoir des formes architecturales pour la musique… L’écoute et le
regard, deux royaumes de la perception y dialoguent et se répondent
librement. C’est une grâce de l’espace. L’émotion musicale, c’est la
découverte et l’entrée progressive dans un monde autre, qui se déploie
dans la durée."
Et
l’espace pour moi, est aussi un phénomène qui s’appréhende dans la
durée, dans le mouvement, avec ses attentes, ses surprises, ses
enchaînements. Quand le son et la lumière viennent emplir ce vide
merveilleux qui s’ouvre entre les pleins des formes construites, alors
l’espace et la musique se révèlent mutuellement.
Avant même de
découvrir le site, en prenant connaissance du dossier, en regardant des
photos de ce quartier de Luxembourg, j'ai pensé qu’il faudrait guider
le public vers le futur bâtiment de la philharmonie à travers un anneau
d’arbres hauts, tel un filtre initiatique à franchir pour pénétrer dans
le domaine de la musique. Une fois sur le site, j’ai perçu que nous
n’avions pas le recul suffisant pour planter les arbres. De là est née
l’idée d’une façade filtre qui constitue cet anneau boisé, ni opaque ni
transparent, formant une enveloppe de lumière dont la salle serait le
noyau central. Le rythme de ces tiges parallèles sur plusieurs rangées
elliptiques devenait mathématique et musical.
Au cœur de ce
péristyle de lumière se trouve la grande salle. Une salle est un
instrument de musique d’une échelle inusitée et, pourrait-on aussi
écrire, un "instrument d’espace". A la philharmonie, les auditeurs
"habitent" les parois de la salle, installés dans des tours de loges en
étage qui entourent le parterre comme des bâtiments dans la nuit autour
d’une place publique. Je voulais, ici, que musiciens et public
s’éprouvent mutuellement, soient proches et que l’on ressente une
impression de grandeur et d’intimité, que l’imaginaire s’échappe. Comme
toujours, j’ai travaillé avec Xu Ya Ying, l’acousticien. J’aime le
contraste entre l’impression lumineuse, neigeuse du péristyle et
l’ombre de la salle. Entre les deux, la paroi est une falaise
prismatique, creusée de failles acoustiques où joue la couleur. A
partir des niches colorées de la salle de la Villette expérimentées il
y a vingt ans, les grandes failles du Luxembourg atteignent une toute
autre subtilité chromatique, la géométrie des faces décomposant les
couleurs sur vingt mètres de haut.
Enfin, la salle de musique de
chambre est logée dans une feuille qui se déploie à partir du sol et se
redresse contre le péristyle. Ce coquillage intérieur est une autre
expérience, issue du travail sur la bande de Moëbius commencé en 1993
pour le concours de Nara au Japon. Cette feuille, au dehors, joue avec
le filtre en le masquant en diagonal, et ce jeu contrasté de l’opaque
et du transparent consacre l’unité du projet".
Christian de Portzamparc
Texte du dossier de presse
Contexte urbain et forme
Christian
de Portzamparc a été lauréat en 1997 du concours international pour la
Philharmonie du Luxembourg. Parmi les autres candidats figuraient deux
autres Français, Jean Nouvel et Claude Vasconi, mais aussi Mario Botta
et Zaha Hadid etc. La Philharmonie, située sur le plateau de Kirchberg
au Luxembourg – nouveau quartier entre l’aéroport et la vielle ville,
voué aux bureaux et institutions européennes puis à la culture – se
déploie au centre de la Place de l’Europe, place à la géométrie
triangulaire dessinée par Ricardo Boffil, responsable du plan
d’urbanisme.
De forme elliptique, la Philharmonie dynamise le
triangle de la Place dont elle suit le tracé urbain : ses faces
incurvées se tendent sur deux angles opposés qui en épousent les
limites, tournées d’un côté vers la ville historique et, de l’autre,
vers le Boulevard Kennedy, axe majeur du plateau de Kirchberg, destiné
à devenir un véritable boulevard urbain. Vaste rotonde aux parois
incurvées, elle affirme son autonomie et contraste avec les façades
rectilignes des bâtiments qui la bordent. La tension induite par la
forme est encore accentuée par la conception cinétique des façades,
constituées de fines colonnes d’acier. Sur la face nord, la Philarmonie
longe le parvis puis s’en écarte en douceur comme si un mouvement
s’instaurait progressivement. Sur la partie sud, un socle affirme les
limites de l’édifice et donne corps au côté de la place triangulaire.
La réponse au programme
L’enjeu
du concours était de réunir trois espaces publics majeurs de
représentation dans un même ensemble, une grande salle philharmonique
de 1500 places, une petite salle de musique de chambre de 300 places et
un espace découverte pouvant accueillir 120 spectateurs. A ces espaces sont associés tous les lieux de vie nécessaires : - accueil du public : foyers, déambulatoires, salons, vidéothèque-audiothèque, bar, vestiaires, information, billetteries… - espaces de répétition : cordes, vents, percussions, solistes - accueil du personnel artistique : foyers, loges - accueil du personnel technique - direction /gestion - caféteria du personnel - logistique : transit, stockage, atelier
Sur
un disque incliné, les lieux d’accueil aux dimensions généreuses
permettent au public de percevoir dans sa globalité l’espace tout à la
fois surprenant, simple et évident qui distribue les activités. Sous ce
disque, à proximité de l’entrée, en infrastructure, s’organisent tous
les espaces au service des salles : transit, stockages, salles de
répétitions avec lumières naturelle…, en liaison avec la voirie de
desserte prévue le long du bâtiment Schuman.
Un inconvénient
fréquent des théâtres et salles de concert dans les villes est de
présenter des façades arrières, côté scène, fermées, tristes, et faites
pour les livraisons. Ici toute la logistique se fait au-dessous, grâce
à une inclinaison générale de tout le niveau d’accueil du public, qui
tourne ainsi tout autour de la salle en un immense péristyle. Ainsi la
vocation de centre de place de la Philharmonie est consacrée, et son
intérieur est une promenade infinie.
La salle électroacoustique est également sous le disque.
Le
volume de la salle de musique de chambre abrité sous une surface
"conique" qui semble être sortie du pénétrable comme une feuille
enroulée.
L’architecture
La Philharmonie et son péristyle
Entrer
dans la Salle de Concert, dans le monde de la musique et du son, en
traversant un rideau de lumière devient une expérience, marquée par la
traversée d’une frontière sensitive. Les parois de la Salle de
Concert, formées de 823 fines colonnes d’acier parallèles de 17m de
hauteur, offrent aux regards extérieurs une présence légère, tour à
tour transparente ou opaque. Cette façade "filtre" permet des visions
vers l’intérieur qui se modifient selon les points de vue ; elle
intrigue et attire le promeneur qu’elle sollicite. A l'intérieur, elle
permet d’oublier l’extérieur tout en instaurant un espace lumineux.
Organisées selon un rythme précis sur plusieurs rangées, traversées en
leur milieu par une membrane de verre, les parois vibrent comme une
partition musicale qui se développe au long des lignes arquées de la
façade. Certaines colonnes sont porteuses, d'autres tiennent le verre
et d'autres servent pour la diffusion de l'air.
La Philharmonie
est aussi un signal dans la ville, dont la lumière irradie la nuit vers
l'extérieur, comme une grande lampe publique.
La galerie foyer
Une
fois dans le péristyle, apparaît la paroi intérieure claire et
mystérieusement lumineuse des colonnes, et les plis du noyau central
qui annonce le Grand Auditorium. Les plis de ce noyau forment la
seconde façade, comme une falaise rythmée irrégulièrement de grandes
failles verticales qui recueillent la lumière, zénithale le jour et
colorée la nuit. Le traitement de la couleur changeante est un trait
particulier du bâtiment. Christian de Portzamparc avait initié cette
idée en 1986 avec la conception des niches acoustiques de la salle de
la Villette puis, en 1994, avec la tour Bandaï et le jeu de diffraction
des couleurs sur le relief des façades. Ici les intérieurs des niches
sont prismatiques et, selon les angles des faces, les couleurs émises
se différencient en un enchaînement qui est la concrétisation de cette
recherche commencée il y a 20 ans. Rampe, ponts et escaliers
s’enroulent autour du grand auditorium, et permettent d’investir le
lieu dans sa hauteur par les accès aux loges de la salle. Des bars et un salon d’honneur indépendant transforment cet espace en foyer du public.
Le grand auditorium
L’architecte
avait comme objectif majeur d’atteindre la plus haute qualité
acoustique mais aussi esthétique et fonctionnelle pour la salle. Il
faut atteindre un grand volume sachant que la maîtrise des réflexions
et de la diffusion du son y est très délicate. Le travail est issu des
idées volumétriques de Christian de Portzamparc, testées et calculées
par l'acousticien Xu Yaying. Ici, l’architecte a poursuivi une
caractéristique qui innovait avec la salle de concert de la Villette :
une salle haute aux parois « habitées ».
Deux dispositions rendent cette conception optimale pour la qualité acoustique :
1/
Créer des parois latérales près de l’orchestre et du parterre. En
effet, ceci est déterminant pour l’écoute des musiciens et du public du
parterre afin que le temps des premières réflexions du son soit assez
court malgré la grandeur du volume. L’auditorium est ainsi conforme à
la typologie de la « shoebox » pour sa base rectangulaire dans les
largeurs et longueurs préconisées par l'acousticien, mais Christian de
Portzamparc l’ouvre en donnant de la profondeur à la salle au-dessus.
C'est une deuxième disposition.
2/ Il s’agit d’"habiter" les
parois supérieures pour les rendre vivantes mais surtout parce que l'on
a là un très bon son et que les musiciens ressentent cette écoute
autour d'eux. Ainsi sont disposées au-dessus des murs latéraux de base,
huit tours de loges pour 28 auditeurs chacune, dans des conditions
d’écoute et de vue très privilégiées, grâce à l’étagement des niveaux
et une orientation selon des angles légèrement différents qui assurent
à chaque auditeur une bonne vision vers le plateau d’orchestre. La
géométrie irrégulière des tours est favorable à la qualité acoustique
par l’alternance diffusion / absorption, et par la rupture des
parallélismes. Le jeu de ces tours autonomes suggère une profondeur
qui semble dilater le lieu. La perception n’est plus tout à fait celle
d’une salle fermée mais celle de constructions habitées au bord d’un
lieu de rassemblement.
La salle de musique de chambre
L’architecte
a conçu cette salle comme une feuille qui se déroule, venant à la
rencontre de la grande ellipse dans un même mouvement. Comme abrité
sous cette feuille torsadée, ou une partie de cône qui sortirait du
filtre des colonnes et se déploierait doucement, le volume de la salle
de musique de chambre est très particulier. L’idée poursuit la
recherche commencée en 1993 pour la salle de musique de chambre du
concours de Nara au Japon, pour lequel Christian de Portzamparc avait
exploré les qualités acoustiques de la bande de Moebius, en tant que
surface courbe non focalisante.
A l’intérieur, la salle est donc
déterminée par deux parois diffusantes, de formes très tendues sur des
rayons qui évitent la focalisation du son. Un réflecteur au dessus de
la zone d’orchestre complète le dispositif. L’axe de la salle qui unit
l’orchestre au public est clairement marqué et installe le rapport
frontal. Le public accède au niveau haut de cette salle, descend
derrière la conque d’orchestre le long de la paroi. L’orchestre est en
contrebas, en liaison avec le plateau inférieur logistique.
L’espace découverte
Cet espace ouvert aux musiques contemporaines, lieu de spectacle et d’expérimentation, se devait avant tout d’être flexible. Volume
parallélépipédique à plat d’environ 211 m2, il dispose de 120 places et
bénéficie de tous les équipements scénographiques nécessaires à une
totale modularité. Sa position particulière – sous le disque à
proximité de l’entrée principale – n’altère pas la morphologie générale
de l’ensemble. Ce troisième espace majeur du bâtiment développé aux
niveaux 0 et –1, est ainsi desservi directement par les espaces
logistiques. La nature même de la salle oblige à une grande
vigilance acoustique vis à vis des espaces mitoyens, imposant une
désolidarisation structurelle.
Projet lauréat du concours international en 1997 Début des travaux en Janvier 2002. Inauguration le 26 juin 2005 Grand Duché de Luxembourg
Maître d’ouvrage : Ministère des Travaux Publics Administration des Travaux Publics, Grand Duché de Luxembourg Maître d’ouvrage délégué : Gehl & Jacoby et Associés, Walter de Toffol Architecte concepteur : Christian de Portzamparc
Equipe atelier Christian de Portzamparc : Equipe
conception : François Barberot, Wilfrid Bellecour, Jean-Charles
Chaulet, Urban Stirnberg, Pierre Van den Berg, Alexi Lorch, Céline
Barda, Christophe Echapasse Odile Pornin, Duccio Cardelli, Rémi Oliel, Constantin Dölher, Burkhardt Schiller Equipe réalisation : Frédéric Binet, Jean-Daniel Boyé, Mathieu Faliu
Scénographie : Changement à Vue Coordinateur-pilote : HBH Architecte d’exécution : Christian Bauer & associés Bureau d’études structure : Gehl Jacoby & Associés, SETEC Bureau d’études façades : Gehl & Jacoby, SETEC Bureau d’études fluides : S&E Consult, SETEC Bureau d’études génie électrique : Felgen & Associés Eclairage : L’observatoire 1 Bureau de contrôle : SECOLUX
Programme : - Galerie-foyer - Grand Auditorium de 1316 à 1496 places : 120 musiciens / 180 chœurs / un orgue - Salle de Musique de Chambre de 304 places - Espace découverte de 120 places.
Surface nette : 20.000 m² Surface utile : 14 500 m² Surface brute : 32.000 m² Volume bâti : 192.000m3